Le locavorisme
Originaire des Etats-Unis, ce mouvement a, peu à peu, trouvé des adeptes dans le monde entier. En 2005, Jessica Prentice, blogueuse et cheffe de cuisine, alliée à deux comparses, propose une expérience lors de la Journée Mondiale de l’Environnement : se fournir en aliments cultivés ou produits sans jamais dépasser un rayon de 160 kilomètres. Essai transformé puisque l’idée est reprise par bon nombre de résidents locaux qui, constatant tous les avantages, deviennent aussitôt des adeptes.
En France, cette expérience est reprise quelques années plus tard par un habitant de Castelnaudary sur une durée d’un an, avec le même résultat.
L’engouement pour les produits locaux
Plusieurs raisons poussent les français à opter pour les circuits courts alimentaires. Ils sont tout d’abord animés par une question de santé. En effet, soupçonneux après tous les scandales alimentaires, ils ont peu à peu pris conscience de l’impact de la qualité des denrées sur leur santé. En effet, manger des aliments frais et de saison apportent des nutriments et des vitamines tendant à renforcer notre système immunitaire. D’autre part, bourrés d’antioxydants, ils aident à lutter contre les radicaux libres. Tout ceci ne se retrouve pas dans une fraise ou une tomate mangé en hiver par exemple.
La saisonnalité revêt en conséquence une importance capitale. En effet, le respect du calendrier des récoltes permet ainsi de déguster des produits gorgés de toutes ces vitamines mais aussi empreints de saveurs incomparables. Le locavore est plutôt gourmet et très attaché aux vrais goûts de ce qu’il achète. Cependant, qui n’a pas été tenté, à la sortie de l’hiver, par un abricot ou une courgette ? Malheureuse expérience sans intérêt qui ne vous laissera dans la bouche que le goût insipide d’un produit élevé sous serre et venant souvent d’un pays éloigné !
Manger de saison n’est pas seulement valable pour les fruits et les légumes, mais concerne aussi les viandes, les poissons et les fromages par exemple. En effet, l’achat de camembert, mozzarella, beaufort, fromages de chèvre devrait correspondre à des périodes bien définies de l’année, tenant compte de la qualité de l’herbe broutée, plus ou moins grasse. Idem pour la pêche, qui devient plus durable dés lors que les variétés de poissons et de fruits de mer sont pêchées au bon moment. Quant à la viande, on ne parle pas de la dinde de Noël, du veau de la Pentecôte ou de l’agneau de Pâques sans raison. Les éleveurs se doivent ainsi de respecter le bien-être de l’animal, son cycle de reproduction ainsi que son alimentation.
Les locavores sont aussi très attachés à la transparence. Ce mode d’achat permet de connaître l’origine du produit et les méthodes de culture ou d’élevage. L’impact sur l’environnement et sur la santé est aussi un enjeu majeur. Ainsi, ces consommateurs n’hésitent pas à se renseigner sur la présence éventuelle de pesticides dans les cultures, d’hormones chez les animaux d’élevage ou sur les résidus de médicaments parfois découverts dans la viande, les œufs ou le lait. L’échange direct avec le professionnel est un gage de confiance.
L’empreinte écologique réduite, induite par l’achat de produits fermiers locaux, est aussi un paramètre à prendre en compte. En effet, moins le nombre de kilomètres-aliments est élevé, moins les impacts sur l’environnement se font sentir.
Enfin, le soutien à l’économie locale est devenu aussi une « bataille » pour ces consommateurs. Chacun y trouve d’ailleurs son compte : le producteur vend sans intermédiaire avec une marge de profit bien plus intéressante et le client, en échangeant avec lui, est rassuré sur la qualité des produits achetés.
Si certains pratiquent depuis longtemps le locavorisme, la crise de la Covid-19 a éveillé chez d’autres un désir ou la nécessité d’acheter près de chez eux. Alertés par la propagation rapide du virus, ils ont ainsi délaissé les grandes surfaces et les allées pleines de personnes masquées s’agglutinant ensuite devant les caisses. Cette peur les a conduits à revoir leur mode d’achat. On a alors pu constater sur tout le territoire, que les ventes en direct augmentaient de façon prodigieuse.
Les différents modes d’achat
Cependant, malgré l’arrivée de ces nouveaux consommateurs, la pratique des circuits courts ne convainc pas la majorité de la population et reste encore un peu confidentielle.
Les professionnels proposent pourtant de nombreuses façons de s’achalander. Les marchés, tout d’abord, restent un lieu privilégié. Très conviviaux, c’est l’occasion de rencontrer en direct les producteurs mais attention toutefois aux revendeurs !
Les AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) regroupent en son sein des clients, payant par avance des produits frais qu’ils récupèrent sous forme de panier chaque semaine. Acheter par l’intermédiaire d’une AMAP est un vrai engagement citoyen puisque les consommateurs ont un droit de regard sur les méthodes de culture ou d’élevage et sur les prix.
Les magasins regroupant des producteurs voient aussi le jour un peu partout. Ceux-ci proposent ainsi leurs productions dans des lieux dédiés dans lesquels ils changent de casquettes suivant le jour. Ils doivent ainsi être capables de vendre bien sûr mais aussi de faire les comptes, de gérer la boutique, de mettre en rayon … Cette méthode leur demande un véritable investissement en temps qu’ils n’hésitent plus à donner devant l’engouement des clients.
Certains optent pour la préparation de paniers, élaborés en général toutes les semaines par l’intermédiaire d’une association. L’avantage principal est de faire découvrir et consommer le fruit du travail de l’agriculteur à des prix moindres. Mais, les produits sont souvent les mêmes durant toute la saison et le manque de diversité lasse parfois les consommateurs.
A l’instar de foodtrack.fr, un nouveau concept prend de l’ampleur : l’achat sur des plateformes de produits locaux. Cette formule « colle » ainsi à l’air du temps et permet de ne pas arpenter les rayons des magasins sinon depuis son canapé. Soigneusement choisis, des producteurs vendent leurs produits respectifs sur ce site dédié. L’avantage majeur est de faire profiter de denrées cultivées, élevées ou fabriquées sur tout le territoire à des consommateurs désireux de ne pas se cantonner aux spécialités de leur département. Découvertes et voyages deviennent ainsi les maîtres mots de ces plateformes. De plus, pour faciliter la vie des locavores, la livraison se fait de plusieurs façons. Le producteur peut, lors de tournées hebdomadaires, livrer lui-même les clients. Mais, les différents produits se récupèrent aussi directement dans le magasin ou dans des points-relais définis au préalable. Pour les commandes qui l’autorisent, la vente par colis est privilégiée. Pour tous types d’achat, le paiement se fait en ligne de façon sécurisée, il ne reste alors qu’à récupérer les produits minutieusement préparés par le professionnel.
Les locavores les plus motivés font parfois partie de supermarchés coopératifs où sont vendus des produits locaux mais aussi éthiques. Afin de pouvoir profiter de prix compétitifs, ils possèdent chacun une part du magasin. Mais, en contrepartie, ils offrent trois heures de leur temps par mois, dévolues au bon fonctionnement de la boutique.
Les groupements d’achats ont aussi leurs adeptes. Ils achètent ainsi en gros à des producteurs locaux et revendent ensuite. Cependant, ces groupements sont plutôt focalisés sur des denrées non périssables plutôt que sur les fruits, les légumes, les fromages ou la viande.
Mais, le mode d’achat qui a vu son chiffre multiplié par deux ou trois depuis le début de la crise sanitaire, est incontestablement la plateforme de produits fermiers. Les atouts pour le client ne sont plus à démontrer. De plus en plus d’habitués d’achats de vêtements, de produits cosmétiques ou autres sur internet n’hésitent plus maintenant à se procurer aussi des denrées périssables. Le plus, indéniable pour eux, est de passer commande à n’importe quelle heure, n’importe quel jour, sans sortir de chez eux. Le producteur, quant à lui, profite des mêmes avantages que les autres. Mais, en plus, il a la possibilité de faire connaître ses produits à des consommateurs sur tout le territoire, élargissant ainsi de façon considérable la quantité de potentiels acheteurs.
Foodtrack
Parmi toutes ces plateformes de produits fermiers en ligne, une a retenu tout particulièrement notre attention. Créée il y a quelques mois seulement, quatre-vingt quinze producteurs ont déjà rejoint les rangs de cette jeune plateforme. Le bouche à oreille semble bien fonctionner. Il faut dire que toutes les conditions sont réunies pour allier simplicité de fonctionnement et gage de qualité.
Les producteurs s’inscrivent rapidement sur le site. Leur compte est ensuite validé après vérification. Aucune restriction sinon l’obligation de ne pas faire partie de la grande distribution. L’établissement est ensuite créé et les articles peuvent être mis en ligne. Toutes les annonces sont validées avant d’apparaître aux yeux du consommateur.
Parmi les icônes à renseigner avant de vendre, se trouve celui concernant le mode de vente. Chaque producteur peut ainsi choisir le système le plus opportun pour lui. La vente à emporter par exemple permet aux clients de venir chercher sur place, dans la boutique ou à la ferme, le produit commandé. Mais certains privilégieront les points relais définis à l’avance. Ce peut être un rendez-vous fixé sur un marché, dans un parking, ou tout autre endroit.
Certains professionnels ont l’habitude de faire des livraisons à domicile dans un rayon kilométrique défini. Ils se rendent ainsi à domicile un jour par semaine pour livrer en direct. La livraison par colis est aussi proposée. Elle permet d’acheminer des produits venus de départements voisins qui supportent le transport. Les boissons alcoolisées, largement représentées sur Foodtrack, les thés, les cafés par exemple peuvent tout à fait être transportés sous forme de colis.
Le producteur peut ainsi, lors de la commande, se mettre d’accord avec le client sur tel ou tel mode de livraison.
Le client pour sa part n’a que des avantages à se rendre sur cette plateforme facile d’accès. En effet, la recherche d’un produit peut se faire de différentes façons. La barre d’outils de recherche permet de trouver rapidement un produit défini. Mais, une carte est aussi à sa disposition, carte reprenant tous les producteurs inscrits sur la plateforme.
Chaque « clic » sur un icône donne le nom de l’établissement du producteur et amène directement sur une page explicative propre à l’exploitation. On y retrouve une fiche d’identité de l’établissement reprenant le métier, le nom, la date d’inscription sur le site et l’adresse. Certains producteurs profitent de cette page pour détailler plus ou moins sobrement leur histoire, les méthodes employées, les modes de vente et leurs appartenances à certains réseaux sociaux. En général, un lien permet de visiter l’exploitation et de connaître plus en détails l’établissement et les produits proposés. Chaque client peut, par l’intermédiaire d’une messagerie, interpeller le vendeur pour plus de renseignements. La transparence n’est ainsi pas un vain mot pour les administrateurs de cette plateforme !
Et la plateforme propose une gamme qui grandit de plus en plus. Beaucoup de professions y sont ainsi représentées. Certaines gammes sont encore confidentielles comme les magasins locaux qui n’ont pour l’instant qu’un seul représentant tout comme les restaurateurs, au nombre de deux. Mais nul doute qu’au fil des mois prochains, ces deux catégories vont se voir plus fournies. Quant aux producteurs, ils se bousculent pour s’inscrire sur cette plateforme. On retrouve maintenant des vignerons, des brasseurs, des fromagers, des producteurs de viandes bovines, de pigeons, de spiruline et d’algues, des agriculteurs, un pépiniériste, des apiculteurs, des volaillers, des fabricants de parfums … Le client n’a que l’embarras du choix pour faire son marché depuis son canapé.
Une fois son choix opéré, l’acheteur n’a plus qu’à opter pour un mode de livraison en choisissant parmi ceux proposés par le vendeur. A domicile, par colis, en point relais ou à emporter, il trouvera forcément le plus adapté à sa situation. Le paiement par carte bancaire se fait de façon sécurisée à la commande. Aucun échange d’argent n’a lieu lors de la récupération des produits.
Cette plateforme a ainsi un bel avenir devant elle, d’autant plus qu’elle interpelle les consommateurs sur le fait de rendre la nourriture plus durable. Non contente de proposer des produits d’une qualité indéniable, elle implique ainsi le consommateur en lui proposant de participer à une mission importante pour lui, mais aussi pour l’avenir. « Nous avons besoin de vous pour que notre nourriture devienne plus juste et transparente ! », tel est le leitmotiv qui anime les fondateurs et qu’ils partagent largement avec les visiteurs de ce site à travers des articles et des blogs, expliquant ainsi leur démarche.
Quel que soit le mode d’achat, les locavores sont ainsi presque obsédés par le désir de profiter de produits frais directement fournis par le producteur. Les deux parties se retrouvent dans cette formule qui n’offre que des avantages pour l’un comme pour l’autre. Mais, à l’heure actuelle où une bonne partie des achats se fait sur internet, le choix de la plateforme en ligne devient évident pour les producteurs. Ils profitent ainsi d’une clientèle élargie et peuvent vendre et faire connaître leurs produits à travers tout le territoire sans déroger à la règle d’or du locavorisme !